Nelly Kahloun peignant « Confidence »
D’origine Italo-Irlandaise, Nelly Kahloun est née en Tunisie. Après une longue carrière dans les affaires, ses enfants élevés, à 40 ans, elle décide de se consacrer à la peinture.
Une chose l’obsède à présent vivre en harmonie avec ses principes. Mais lesquels? Comment les représenter et s’en détacher pour peindre?
S’en suit une période d’observation, d’études, d’apprentissage des techniques pour retrouver les tons de sa Tunisie natale: les bleus, l’ocre, le terre de sienne et la sépia, les motifs de l’Orient. N.K peint d’après ses souvenirs et d’après des photographies qui témoignent de ce là-bas ici et maintenant. Entre ce qui est cher à son cœur et ce qui a été vraiment, entre imagerie et peinture, un vœu puissant se formule:
Le faire revivre à nouveau ce bonheur tranquille, voluptueux apaisant. Et c’est le tableau qui le permet et ce qui se crée autour de vie et de perspectives nouvelles, imaginaires qu’importe !
Selon Nelly Kahloun, trouvant la fin dans ses moyens : il se « figure narrative », se « pop artise », s’absuratifise » (entre Abstraction et figuratif) l’orient d’antan.
Au fil de ses collectes d’images, toujours insatisfaite, toujours désirante N.K chemine au gré d’un chemin qui chemine aussi apparaît un mouvement vers la peinture par un dépassement de la figure, du motif par lesquels la peinture est initiée. Figures et motifs tendent à se confondre.
Je me demande parfois devant certains de ses tableaux des corps, de leurs parures, du décor ce qui fait objet de vanité? à cette question une expression sortie de La possibilité d’une île de M. Houellebecq résonne en écho en moi : Tout est kitsch sauf le néant . Nelly peint sa vie comme d’autres l’écrivent entre fiction et autobiographie.
En un mouvement empirique incessant s’orchestre une « joute d’images », une logorrhée de signes du divin ; une liturgie pour l’atteindre.
Figure et Abstraction oscillent dans un mystérieux passage. Elles vont et viennent l’une vers l’autre par tâtonnement. Cet entre-deux est condensé dans le néologisme d’ absuratif que Nelly s’est approprié et qui décrit précisément ce flottement. Cette voie singulière que Nelly emploie pour toucher au cœur de la peinture, ce procédé qu’elle utilise et qu’elle ne veut pas révéler, c’est son mystère et par la peinture le mystère; c’est sa voix nôtre peut être.
Ce qui m’apparaît la chose la plus remarquable si l’on s’attarde un moment. C’est l’occasion critique que son travail nous propose : Par de là sa peinture et par ce moyen peut se poser la question de « notre » rapport à l’objet.
La place qu’il a ou qu’il prend et la place que « nous » lui donnons. C’est de la vérité qui advient sous nos yeux, du
Réel au singulier.
Ce que nous, institutionnels et acteurs de l’art, en faisons de cet impossible mais vrai compte tout autant que le travail de N.K qui est un merveilleux prétexte pour le penser.
N.K nous offre l’occasion d’un moment de partage que j’appellerais le Met Tissage.
L’œuvre généreuse de N.K interroge les notions de don et de contre don. Il s’agit là de rapports humains idéalisés sous le signe de l’amour, de l’amitié et du respect. L’hospitalité envers l’étranger mais aussi envers l’étranger que nous sommes, nous-même au travers du devenir de soi qui se révèle en peinture.
Il est question de notre responsabilité face à ces formes d’art singulières qui sont autant de propositions vraies à priori en ce qu’elles sont, par le simple fait de leur affirmation et de le penser c’est voir le centre entre, à la marge.
André Breton et les surréalistes offraient une représentation de cela (ceux-là, à part, trop différents).
La répétition de ce Réel hors conventions, hors du « système » fait de la peinture de N.K. un acte exemplaire entre l’art et le vivant. Ce qui est a voir vaut pour ses limites; ce qu’il articule.
Nelly Kahloun aime et travaille. Elle concilie tradition et modernité sans artifice, sans jeu de convention en docte ignorance et si la forme de ses peintures s’apparente aux œuvres de Rancillac ou de Fromanger c’est l’essentiel présent d’un essentiel passé, le don de ce dont elle est parlée sous les signes de la spiritualité et de la beauté.
N.K aime à marier deux amours comme divinités : celle de l’instant, de l’événement passé « la maman de Bruno, la communion de mon petit-fils» … dixit N.K et la peinture. C’est peut-être une manière de dire à toutes deux l’émotion, la force, l’intensité.
Par-delà la destruction, l’érosion d’une mémoire à conserver absolument. Ce qui reste c’est ce qui survit ; l’Esprit et ses manifestations.
L’Amour et le Néant aspirent la vie comme un amant.
Cela est au plus singulier pour moi universel
Jonathan Hecht